Dans le but de contribuer à mettre à la disposition des professionnels des outils pertinents adaptés directement à leurs besoins en publiant les auteurs qui consacrent du temps et de l’énergie au droit OHADA ainsi qu’aux législations des différentes zones monétaires [1] de cet espace économique, SIRE OHADA a mis en place une structure dédiée à l’édition.
Pour présenter au public le tout premier ouvrage paru chez SIRE OHADA EDITIONS, écrit par Docteur Mounetaga DIOUF, Juge à la CCJA, et intitulé « Le contentieux sociétaire en droit OHADA », il a été organisé le 6 mai 2021, un Visio-Débat via la plateforme Zoom.
Cet évènement a rassemblé autour de l’auteur et des autres intervenants, un public composé de praticiens du droit, d’étudiants, de professeurs d’université, d’experts comptables et bien d’autres professionnels.
Dans son mot d’accueil, la gérante de SIRE OHADA, Madame Arlette BOCCOVI a d’abord souhaité la bienvenue aux participants connectés depuis le Bénin, le Burkina Faso, la Côte-d’Ivoire, les Comores, le Gabon, la Guinée, le Mali, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, le Tchad, le Togo, la Belgique, la France et le Canada. Elle a remercié l’auteur pour la confiance placée en SIRE OHADA EDITIONS. Pour Madame BOCCOVI, le projet d’édition de cet ouvrage a été une très belle expérience qu’elle a partagée avec Madame Michèle ANDREU, Directrice de publication, les Professeurs Ndiaw DIOUF et Barthélemy MERCADAL ainsi qu’avec l’auteur, Docteur Mounetaga DIOUF.
Madame Michèle ANDREU, Directrice de publication a ensuite pris la parole pour exprimer son plus grand plaisir d’avoir travaillé sur ce beau projet d’édition de l’ouvrage de Monsieur DIOUF au cours duquel elle a déclaré avoir énormément appris. La mathématicienne d’origine a fait une analogie entre le droit et les mathématiques qui sont deux domaines où la démonstration et la rigueur sont déterminantes. Remerciant les participants de leur présence, elle a notifié à l’attention des professionnels désireux de partager leur connaissance ou leur expérience à travers des ouvrages que SIRE OHADA EDITIONS tient à leur disposition sa charte éditoriale et rédactionnelle.
La séance s’est poursuivie selon le programme ci-après :
- Introduction de l’ouvrage par le professeur Ndiaw DIOUF, préfacier
- Echanges avec l’auteur, Docteur Mounetaga DIOUF
- Regard sur l’ouvrage par le professeur Barthelemy MERCADAL, postfacier
- Regard croisé avec le droit français par le professeur Jacques MESTRE
- Débat avec les invités
Introduction de l’ouvrage par le professeur Ndiaw DIOUF, préfacier
Monsieur Ndiaw DIOUF est professeur agrégé des facultés de droit, Doyen honoraire de la faculté de sciences juridique et politique de l’Université de Dakar, Vice-Président du Conseil Constitutionnel du Sénégal.
Il signe la préface de l’ouvrage, ouvrage qui est d’ailleurs écrit en son honneur.
Rappelant la thèse de doctorat soutenue par Monsieur Mounetaga DIOUF plusieurs années auparavant sur le thème « L’intervention du juge dans la vie des sociétés commerciales », le Professeur DIOUF a relevé la pertinence de l’ouvrage puisque l’auteur a élargi le champ de ses recherches pour ainsi couvrir l’ensemble du contentieux sociétaire en droit OHADA.
Selon le professeur DIOUF, la difficulté de l’étude réside dans son objet. En effet, compte tenu de la diversité des formes sociétaires, il a fallu procéder à des classements. Il a loué le mérite de l’auteur qui est parvenu à faire ressortir avec brio le particularisme des manifestations du contentieux sociétaire ainsi que le traitement de la question, du juge compétent et de la procédure à suivre, question qui est source de grande difficulté en droit OHADA.
Echanges avec l’auteur, Dr Mounetaga DIOUF, Juge à la CCJA
C’est à travers les réponses aux questions que lui a adressées la modératrice, Madame BOCCOVI, que le juge Mounetaga DIOUF a présenté son ouvrage.
Que recouvre la notion du « contentieux sociétaire » ?
Après avoir expliqué que la notion de contentieux sociétaire renvoie dans cet ouvrage à la situation dans laquelle les acteurs de la société commerciale s’opposent sur des prétentions à l’occasion des assemblées générales et des conseils d’administration et qui aboutit à une ou plusieurs procédures judiciaires, l’auteur a justifié l’intérêt de cette étude.
Pour l’auteur, le contentieux sociétaire est intéressant à étudier parce qu’il occupe une place de plus en plus importante dans l’activité des juridictions, même si une partie de la doctrine a longtemps défendu au juge d’intervenir dans la vie des sociétés commerciales qui, par essence, est un domaine éminemment contractuel. A travers l’acte juridictionnel, le juge joue donc, de plus en plus, une partition importante dans le traitement des litiges entre associés. L’acte de juger est par conséquent, présentement, une composante essentielle de la gestion des sociétés commerciales. Il semble de ce fait important de réfléchir sur ce contentieux pour en percevoir les spécificités et la manière dont le juge l’aborde et le dénoue.
Selon Docteur Mounetaga DIOUF, pour bien comprendre un phénomène, il est utile d’en comprendre les particularités. C’est un excellent moyen d’anticipation des difficultés. Mais c’est aussi un moyen idoine de trouver les meilleures solutions possibles lorsqu’on n’a pas pu anticiper ou lorsque l’anticipation n’a pas permis d’éviter la naissance d’un litige.
Quelle utilité de l’ouvrage pour les étudiants, les enseignants et les opérateurs économiques ?
Cet ouvrage est utile aussi bien pour les étudiants que pour les enseignants chercheurs et les opérateurs économiques.
- Pour les étudiants, l’ouvrage constitue un outil de recherche et d’apprentissage qui porte sur différents thèmes qui sont enseignés en droit des sociétés dans les facultés de droit.
- Pour les enseignants chercheurs, cet ouvrage est rédigé à partir d’une bibliographie fournie et d’une forte jurisprudence issue des juridictions de l’espace OHADA, mais aussi avec l’apport du droit comparé. Il constitue également une contribution à la construction d’une doctrine africaine en la matière. Son contenu peut donc être sujet à critique et peut inspirer des thèses dans ses multiples déclinaisons.
- Pour les opérateurs économiques, l’ouvrage a l’avantage d’être très pratique puisque la plupart des sujets traités constituent le lot quotidien des investisseurs, des actionnaires et autres opérateurs économiques confrontés à la réalité du monde des affaires Il met à leur disposition un certain nombre d’informations et d’outils qui pourraient leur permettre de mieux s’armer avant ou après leurs réunions avec les différents partenaires.
Les points essentiels de l’ouvrage ?
Les points essentiels abordés dans cet ouvrage concernent l’identification des caractéristiques particulières du contentieux sociétaire.
L’auteur a noté et mis en exergue le fait que c’est d’abord dans ses manifestations que ce contentieux se singularise.
Cette singularité apparaît en premier lieu à travers la remise en cause des délibérations par des actions en annulation et en modification. En second lieu, elle apparaît dans l’exercice des droits et des pouvoirs des acteurs.
Ensuite, il a pu montrer que le contentieux sociétaire se singularise également dans la manière dont il se dénoue. Ce dénouement se réalise en général par la désignation de mandataires judiciaires dans la société notamment des administrateurs provisoires. Il peut aussi se réaliser par une sorte d’atteinte au statut de tous les associés notamment par la dissolution de la société ou au statut d’un associé par exemple à travers son exclusion de la société ou l’atteinte à son droit de vote.
Evènement imprévu tel que la COVID-19 : Quelle réponse en matière de gouvernance d’entreprise ?
Rappelant que la pandémie de la Covid-19 a sérieusement éprouvé les États africains, tant sur le plan politique que sur le plan économique, l’auteur a montré que cette situation ne pouvait pas épargner le monde de la justice. Le rôle important de la jurisprudence expliqué tout au long de cet ouvrage devrait s’accentuer davantage avec les effets néfastes de la pandémie. Devant le désert législatif pour pallier judiciairement les conséquences de cette crise sanitaire sur le fonctionnement des sociétés commerciales qui doivent, pour continuer à exister, prendre des décisions qui violeraient certaines règles de l’Acte uniforme dont le respect est apparu impossible du fait des mesures sanitaires imposées par les États, les juges nationaux devraient faire preuve d’ingéniosité. Pour ce faire, ils devraient puiser des ressources dans le droit commun : force majeure, imprévision notamment. L’absence de texte n’a jamais été un obstacle pour le juge commercial pour régler des questions vitales pour la société.
L’auteur a fini la présentation de son ouvrage en réitérant ses remerciements à toutes les personnes qui ont bien voulu contribuer à la réalisation de son projet.
Regard sur l’ouvrage par le professeur Barthelemy MERCADAL, postfacier
Monsieur Barthélémy MERCADAL est professeur agrégé des facultés de droit, Professeur Emérite du Conservatoire des Arts et Métiers à Paris en France, Vice-Président et Secrétaire Général de l’IDEF. Il mène depuis plus de vingt ans des actions en faveur de la promotion de l’OHADA à travers le monde.
Il a félicité l’auteur pour le réel apport que constitue cet ouvrage qu’il a eu plaisir à postfacer ; apport sur le plan technique d’une part et sur le plan politique juridique d’autre part. Evitant la redondance, l’intervenant n’a pas souhaité s’attarder sur l’aspect technique de l’apport de l’ouvrage. S’agissant de la politique juridique, le professeur MERCADAL a évoqué la difficulté liée à la marge de manœuvre à laquelle est confronté le juge ou tout interprète de la loi. Il a relevé que dans son ouvrage, l’auteur a opté pour une démarche quasi-révolutionnaire en renversant le principe du droit selon lequel le juge ne doit pas intervenir dans la vie d’une société. Selon l’analyse de l’intervenant, l’auteur fait une innovation en ce qu’il introduit la notion de devoir d’ingérence sociétale du juge dans les situations qui peuvent s’avérer périlleuses pour la société et porter tort à la vie économique. S’agit-il d’un excès de pouvoir ou d’un affranchissement de la loi ? Pour le professeur MERCADAL, le traité de l’OHADA ayant pour finalité l’attirance des investisseurs et l’essor économique, l’on pourrait, à l’image de la Cour de Justice de l’Union Européenne, interpréter la vision de l’auteur comme étant conforme aux objectifs du traité. C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il entrevoit, en la matière, l’évolution de la jurisprudence OHADA dans les prochaines années, c’est-à-dire une jurisprudence construite sur une interprétation autonome de la loi.
Regard croisé avec le droit français par le professeur Jacques MESTRE : « L’ intérêt social et rôle du juge en droit français »
Monsieur Jacques MESTRE est professeur agrégé de droit privé, Président de l’Association Française des Docteurs en Droit, Directeur du Lamy Sociétés commerciales.
Le professeur MESTRE dans son intervention a d’abord relevé l’importance des maisons d’éditions dans la diffusion du droit notamment en Afrique, avant de saluer l’heureuse initiative de l’auteur d’écrire sur le contentieux sociétaire. Pour l’intervenant, le contentieux sociétaire étant un contentieux ouvert, c’est-à-dire un contentieux dont les règles ne sont pas préétablies, le juge joue un rôle capital sur le plan économique à travers les solutions qu’il peut apporter. Il a soulevé par ailleurs la transnationalité du sujet, tant les problèmes et les modes de solutions sont universels. C’est à partir de plusieurs exemples concrets tirés de la jurisprudence française récente qu’il a illustré l’importance du rôle du juge dans la vie des sociétés. De son analyse de l’ouvrage du juge DIOUF et au vu des solutions récentes contenues dans la jurisprudence OHADA qu’a si bien exposé l’auteur, le professeur MESTRE suggère à la justice française de s’en inspirer dans l’intérêt des sociétés.
Echanges avec les invités
Les trente dernières minutes de ce Visio-Débat, consacrées aux échanges avec les invités qui ont marqué un réel intérêt au thème de l’ouvrage, ont permis d’évoquer au-delà des conflits entre associés, le contentieux avec les tiers à savoir les salariés, les créanciers par exemple qui peuvent entreprendre une procédure pour régler une situation conflictuelle. C’est ainsi que la question de la procédure en droit OHADA renvoyant au droit national et celle des sanctions pénales ont été également abordées. L’attention de l’auditoire a été par ailleurs attirée sur les conflits d’attribution de compétence en matière de contentieux sociétaire auxquels risque de plus en plus d’être confronté le juge ; ceci, dans la mesure où le droit des sociétés est désormais assez fréquemment invoqué par les salariés, les organisations non gouvernementales, les actionnaires ou même d’autres parties prenantes alors que ces conflits souvent liés aux enjeux sociaux et environnementaux ont généralement vocation à échapper au droit des sociétés classique. C’est par cette ouverture du contentieux sociétaire sur le droit de la Compliance et la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) que prennent fin les échanges.
Avant de clore la séance, Madame BOCCOVI a remercié bien vivement chacun des intervenants pour la qualité des communications ainsi que les invités pour leur présence et leur contribution. Elle n’a pas manqué de réitérer ses remerciements à Madame Michèle ANDREU, Directrice de publication ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe de SIRE OHADA qui s’est mobilisée pour l’organisation technique de l’évènement. Sincères remerciements également au site OHADA.COM, puissant vecteur de communication et de promotion de l’OHADA.
Fait, le 20 mai 2021
Michèle ANDREU , Directrice de publication, SIRE OHADA EDITIONS Arlette BOCCOVI, Gérante SIRE OHADA
[1] Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), République Démocratique du Congo (RDC), Guinée et Comores